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    Opération Mains propres : FDFP, des milliards non-justifiés

    Alors que le patron du FDFP a été suspendu de ses fonctions ce vendredi 20 août 2021, le rapport de l’Inspection général d’Etat (IGE) révèle une gestion opaque et des pratiques mafieuses.

    Le rapport de 55 pages est un réquisitoire sans concession contre la gestion du désormais ex-patron de la structure publique, le Secrétaire Général, Ange Léonid Barry-Battesti. Au chapitre des dépenses non-justifiées, le rapport des auditeurs de l’Etat note la disparition de 3 milliards 790 millions F.CFA. Les dirigeants de la structure, comme on peut lire dans le rapport de l’IGE, arguent que la somme représente le cumul des amortissements pratiqués pour un projet immobilier au profit des employés du FDFP. Problème, comme s’en désole les enquêteurs, « malgré la demande faite par la mission, le fonds du dossier lié au projet immobilier n’a pas été mis à sa disposition ». Pas de trace de l’argent, pas de maison ou tout au moins de terrain nu. Rien. 3 milliards 790 millions ont disparu comme par enchantement des comptes du FDFP.

    3 milliards 790 millions ont disparu comme par enchantement des comptes du FDFP

    Un billet d’avion Abidjan-San Pedro-Abidjan à 758.600 CFA
    « La gabegie, comme nous l’a expliqué sous l’anonymat un membre de la mission d’audit, nous en avons souvent vu mais ce que nous avons découvert au FDFP dépasse l’entendement ». Rien n’est, apparemment, assez grossier en termes de surfacturation. Un billet d’avion Abidjan-San Pedro-Abidjan est facturé à 758.600 CFA. J’ai mené mon enquête auprès de la compagnie Air Côte d’Ivoire, unique compagnie qui relie Abidjan à cette ville balnéaire. « Sauf si ce monsieur a occupé quatre sièges en classe Affaire à lui-seul, nous n’avons pas ce tarif-là entre Abidjan et San Pedro » m’a-t-on répondu aux guichets d’Air Côte d’Ivoire à Abidjan. Visiblement, M. Barry-Battesti a créé la « Class Battesti » sur certains vols. Pour un voyage Abidjan-Montréal via Paris, c’est 4.249.500 CFA qu’il se fait facturer. Les auditeurs de l’IGE, comme ils l’indiquent dans leur rapport, n’ont pas passé en revue toutes les dépenses, mais ils se sont limités à quelques échantillons et même là, ils ont décelé pour 9.840.300 CFA qui constituent « un abus dans la mesure où les voyages effectués n’ont aucun lien avec le service puisqu’il n’y a aucun ordre de mission qui vient justifier chaque déplacement. Ces dépenses ne sont ni pertinentes, ni justifiées ». En d’autres mots, non seulement M. Barry-Battesti aurait fait surfacturer des billets d’avion, pire, il s’est offert des voyages et s’est montré généreux avec de l’argent public en offrant des billets d’avion à des membres de sa famille et à des amis et courtisans.
    Une de mes sources au sein du FDFP insiste sur le fait que l’échantillon sur lequel les enquêteurs de l’IGE ont travaillé est insignifiant pour refléter l’ampleur des détournements au prétexte des missions. « Il faudrait multiplier les 9 millions non-justifiés au moins par 100 pour avoir un panorama réel des sommes ainsi dépensées ». J’ai moi-même pu me procurer des documents comptables plus exhaustifs sur les sommes englouties dans les voyages ces 16 derniers mois et nous sommes, en effet, à plusieurs centaines de millions de CFA.
    Les auditeurs, qui n’ont pas examiné les dépenses dans les détails comme j’ai pu le faire dans mon investigation, ont épinglé des bizarreries. Le rapport de l’IGE s’interroge par exemple sur la régularité des paiements effectués au profit de certaines entreprises « du fait des doutes qui pèsent sur la légalité de son existence et les irrégularités apparues sur le dossier de paiement ». En fait, et cette fois-ci sur la base des documents comptables dont j’ai publié des extraits dans ma précédente investigation, ce sont près de 20 milliards qui sont gaspillés dans des dépenses sans aucun rapport avec la formation professionnelle qui reste la mission première du Fonds de Développement de la Formation professionnelle. Les auditeurs de l’IGE sont parvenus au même constat lorsqu’ils « constatent que le cœur du métier du FDFP, à savoir les prestations aux usagers (NDLR : la formation professionnelle), représente moins des deux tiers des dépenses alors que le fonctionnement ordinaire frôle les 40% ». En d’autres mots, l’argent du Fonds destiné à former les salariés de Côte d’Ivoire sert à autre chose qu’à la formation.

    L’argent du FDFP a été utilisé à autre chose qu’à la formation.

    Des dépenses non-conformes à la mission du FDFP
    En fait, lorsqu’on scrute plus profondément les dépenses, exercice auquel je me suis livré dans ma précédente investigation, même les budgets alloués à la formation se retrouvent à payer des factures sans lien avec l’activité du FDFP. C’est le cas de tous ces fonds injectés dans de mystérieux « collaborateurs extérieurs » dont personne au sein de la structure n’a pu me dire à qui exactement cette appellation faisait référence. Achat de bijoux pour 35 millions CFA ; 121.714.050 FCFA pour « Achat divers produits pour Ramadan » ; 10 millions dans les cigares ; 2 millions de chocolat ; plusieurs centaines de millions de CFA de bons pour des achats divers dans tous les grands magasins d’Abidjan ; plus d’un milliard dans la confection des gadgets ; on « offre » tout aux « collaborateurs extérieurs ». Sur un budget de 38.487.385.000 en 2020, sur la base des documents comptables du FDFP que je me suis procuré, j’ai pu consolider des dépenses d’environ 20 milliards qui n’avaient aucun rapport avec la formation professionnelle. « Plus de la moitié de cet argent a été détourné par le patron grâce à des marchés fictifs jamais livrés et des surfacturations pour ceux qui ont été livrés » m’a affirmé une source interne dégoûtée par l’ampleur des malversations.
    Depuis la publication de mon investigation mercredi, l’ancien patron du FDFP a lancé un gigantesque lobbying pour tenter de conserver son poste. Il s’est vanté dans un cercle restreint de pouvoir compter sur la franc-maçonnerie dont il est membre, tout comme il se targuait d’avoir le soutien de la majorité des membres du Conseil de gestion qu’il disait avoir bien arrosés. Mais c’était oublier que le président Ouattara ne pouvait rester sans sanctionner ces graves détournements, au moment même où il a lancé une vaste opération mains propres. Alors que le ministre de tutelle tergiversait encore, le Conseil de Gestion a usé de ses prérogatives en suspendant Ange Léonid Barry-Battesti, en attendant son limogeage définitif.
    Face à l’ampleur des malversations, il nous revient qu’il a été décidé en haut lieu de judiciariser ce cas. L’opinion réclame que l’Etat récupère les importantes sommes détournées par certains dirigeants d’entreprises et organismes publics, sans préjudice des sanctions pénales.
    Toutes mes tentatives pour faire réagir l’ex-patron du FDFP sur les graves accusations contenues dans le rapport de l’Inspection générale sont restées vaines. Même l’huissier allé lui remettre sa lettre de suspension s’est vu insulter au téléphone par M. Barry-Battesti, comme l’indique le constat de l’huissier que j’ai pu consulter.
    Ce qui est vrai, est vrai !

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