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    Afrique Pesage et le FER : Collusion pour truander l’Etat ivoirien ?

    Le contrat accordé par l’Etat ivoirien, à Afrique Pesage, pour le pesage de tous les camions qui circulent dans le pays, se révèle être un marché de dupes qui a fait perdre à la Côte d’Ivoire plus de dix milliards de CFA. Notre investigation révèle comment l’argent qui devrait être reversé à l’Etat a été détourné, avec l’apparente complicité de l’ex-DG du FER.

    Le contrat entre le Fond d’Entretien Routier (FER) et Afrique Pesage comporte tellement d’incongruités qu’on se demande si l’intention inavouée, dès le départ, n’était pas de permettre à la filiale de l’entreprise française de gruger l’Etat ivoirien, qui verserait en retour des commissions à ceux sensés défendre les intérêts de la Côte d’Ivoire, en l’occurrence, dans ce deal, le FER du désormais ex-DG, DIABY Lanciné. En effet, en acceptant par exemple – curieusement – que le matériel de pesage soit entièrement acquis auprès de la maison mère d’Afrique Pesage, la compagnie française CAPTELS, la Côte d’Ivoire s’est privée de la possibilité de faire jouer la concurrence qui ne pouvait être qu’à l’avantage du pays. Pire, étant donné que le contrat prévoit que l’entreprise récupère ses investissements sur les recettes générées par les activités que l’Etat lui a déléguées, Afrique Pesage a tout simplement surfacturé ses charges, comme nous l’a clairement signifié un cadre de cette entreprise, certes sous anonymat, mais qui se dit par ailleurs prêt à collaborer avec l’Etat en cas d’une éventuelle enquête judiciaire sur cette affaire.

    Un bien curieux contrat

    Le contrat comporte également une clause qui laisse à Afrique Pesage la responsabilité de « la formation du personnel du subdéléguant (FER) employé dans le suivi et le contrôle de la subdélégation (Afrique Pesage) ». En clair, le contrat prévoit que c’est Afrique Pesage qui doit former le personnel du FER dans la façon de la contrôler. On croit rêver, et pourtant le DG du FER, DIABY Lanciné a signé cette hérésie de contrat. Je vais te former afin que tu m’empêches de te voler. Allah est peut-être l’autre nom d’Afrique Pesage. C’est du moins ce que le musulman pratiquant, DIABY Lanciné, semble avoir pensé en s’engageant dans une telle forfaiture.

    Le contrat entre le FER et Afrique Pesage comporte de bien curieuses clauses

    Le FER a volontairement renoncé à sa mission de contrôle

    Il ressort de nos investigations que depuis 2018, Afrique Pesage n’a rien reversé de la quote-part de l’Etat des recettes issues du pesage des camions. Sur la base des chiffres publiés par l’entreprise subdélégataire elle-même, la somme s’élève à un peu plus de 3 milliards de CFA. Dans cette période, l’Etat n’a reçu que sa part des recettes provenant des amendes imposées aux camions en dépassement des charges.
    Comme si cela ne suffisait pas, nous avons découvert qu’Afrique Pesage, depuis la signature du contrat, ne déclare pas la totalité des recettes (pesage et différentes amendes). D’après un ex-cadre qui a bien voulu me parler, seuls 50% à 60% des recettes sont déclarées et figurent dans les documents comptables officiels. « Les vraies recettes n’apparaissent que dans une sorte de comptabilité parallèle, dont l’existence n’est connue que par une poignée d’hommes de confiance de notre DG » m’a confié mon interlocuteur. Toutes mes tentatives pour prouver cette information ont été vaines et le DG d’Afrique Pesage n’était bizarrement pas joignable sur tous ses numéros en ma possession. Cependant, une dame des services financiers que j’ai cuisinée pendant plusieurs jours a fini par craquer lorsque je lui ai parlé de Dieu, notamment en lui faisant entrevoir la possibilité que son silence pourrait la conduire en enfer, pour des magouilles dont elle n’est nullement le concepteur. « Oui, nous ne déclarons pas tout, et c’est au niveau de l’informatique que cela se passe ». Le poste de supervision centralisé, centre informatique intégré qui centralise toutes les recettes de tous les postes de pesage, devait conventionnellement être logé dans des locaux du FER afin que l’Etat puisse assurer en temps réel le contrôle des recettes, mais cet outil technologique est plutôt localisé chez le prestataire d’Afrique Pesage. Au Sénégal le poste de supervision est basé à la Direction des Routes, l’organisme public qui gère les pesages. Le Sénégal s’est donc donné les moyens de contrôler les recettes alors que la Côte d’Ivoire est visiblement dans une complicité pour détourner des sommes qui devraient revenir à l’Etat.

    Environ dix milliards volés à l’Etat

    Pendant quelques semaines, nous avons parcouru des centaines de pages issues des documents comptables d’Afrique Pesage. Les chiffres consolidés, en nous fondant sur la base minimale de la fraude – 50% des recettes non-déclarées plutôt que la base maximale qui situe les recettes non-déclarées à 60% – nous permettent de situer les sommes détournées au préjudice de l’Etat à 10 milliards de F.CFA.

    La fraude, Afrique Pesage s’y connaît

    Dans le domaine de la Fraude et de la dissimulation, Afrique Pesage est ce qu’on peut qualifier de délinquant multirécidiviste. Au cours de cette investigation, nous avons pu établir, de façon formelle, le fait que cette entreprise a été prise en flagrant délit de malversations au Sénégal et en Guinée, pour ne citer que ces deux pays.
    J’ai retrouvé un rapport d’audit demandé par le Sénégal au cabinet international KPMG. Le verdict est sans appel : le Poste de contrôle n’a été mis en service qu’en 2015, soit trois ans après l’entrée en activité des postes de pesage. Afrique Pesage s’est donc offert un sursis de trois années pendant lesquelles elle déclarait ce qu’elle voulait aux autorités sénégalaises. « Les retards accusés dans la mise en service du poste ne nous ont pas été expliqués » notent les auditeurs de KPMG. Afrique Pesage a un bon parrain au Sénégal, en l’occurrence le fils de l’ex-président Abdou Diouf, Pedro Diouf, dont l’entregent a permis de sauver le contrat d’Afrique Pesage. Mais la compagnie n’a pas pu échapper à un contrôle fiscal qui s’est soldé par un redressement de quelque 2,5 milliards CFA.
    En Guinée, l’Etat a simplement résilié le contrat avec Afrique Pesage, dénonçant le fait que « la société, tout en collectant des sommes auprès des usager, n’a versé aucune redevance à l’Etat guinéen depuis le démarrage de ses prestations » en 2019, selon un communiqué lu sur les ondes de la télévision publique, la RTG.

    La gestion d’Afrique Pesage au Sénégal dénoncée par la Direction des Routes

    Pourquoi DIABY Lanciné a laissé voler l’Etat ?

    Dans cette affaire, la responsabilité du Fonds d’Entretien Routier alors géré par DIABY Lanciné est entièrement engagée. En effet, signataire du contrat, il ne pouvait ignorer les obligations de cette entreprise vis-à-vis de l’Etat. D’après mes sources à Afrique Pesage, l’ex-DG du FER a simplement fermé les yeux sur les détournements au préjudice de l’Etat. « La moitié des sommes qui devrait revenir à l’Etat était versée au DG du FER et Afrique Pesage gardait le reste », m’ont affirmé plusieurs cadres de cette entreprise qui ont requis l’anonymat, par crainte de perdre leur poste s’ils étaient identifiés. En gros, sur la base de ces révélations, Diaby Lanciné aurait reçu environ 5 milliards CFA d’Afrique Pesage. Je n’ai pu recouper ces informations par aucun document comptable de la compagnie. Et pour cause, affirment mes interlocuteurs, « tous les mois, depuis la signature du contrat en 2017, les émissaires d’Afrique Pesage remettaient en espèce 100 millions au DG FER. Le seul endroit où on pourrait trouver trace de ces transactions c’est dans notre comptabilité parallèle ». Monsieur Diaby Lanciné ayant refusé de répondre à nos questions, nous n’aurons malheureusement pas sa réaction sur ce point précis. Néanmoins, le fait qu’il ait refusé d’exercer le contrôle auquel lui donnait droit le contrat suscite quelques suspicions.

    Une gestion totalement opaque
    Afrique Pesage est gérée dans une totale opacité, comme le prouvent des documents comptables de l’entreprise que nous avons réussi à obtenir. Rien que pour la seule année 2016, j’ai retrouvé plus de 150 millions de décaissements avec pour seuls motifs de la demande « remboursement DG » ou, pire « mise à la disposition DG ». L’argent qui devrait revenir à l’Etat ivoirien que détournait Afrique Pesage servait vraisemblablement à enrichir personnellement le directeur, M. BAILLY Sylvestre. En Décembre 2016, apparemment pour bien passer les fêtes de fin d’année, ce sont 32 millions de CFA qui sont décaissés ; motif, « mise à disposition DG ». C’était exactement le 20 Décembre. Joyeux Noël et Bonne Année M. BAILLY Sylvestre !
    Aussi scandaleuse que cela puisse paraître, Afrique Pesage c’est vraiment la caisse personnelle de son directeur. Et tout naturellement, il en fait profiter sa famille. J’ai ainsi mis la main sur un document de Sortie Caisse au libellé qui fait sourire : « 2 costumes – 4 Pantalons – 4 chemises ; oncle DG ». Il faut le faire.

    Ces conflits d’intérêts qui révèlent la complicité entre les dirigeants du FER et Afrique Pesage.
    Au cours de cette investigation, abidjaninfos.net a pu ainsi retrouver des factures de l’entreprise AYUF-SARL, propriété de Mariam DIABY, l’épouse du DG du FER, DIABY Lanciné. Au sein même de l’entreprise de madame DIABY, j’ai réussi à m’introduire dans les cahiers de recettes où j’ai retrouvé les informations qui corroborent celles récupérées dans la comptabilité d’Afrique Pesage. Ce grave conflit d’intérêt suffit à compromettre celui qui était alors le DG du FER, censé contrôler Afrique Pesage pour le compte de l’Etat. Comment DIABY Lanciné pouvait encore exercer l’obligation de contrôle qu’il avait sur les activités d’Afrique Pesage, alors que son épouse recevait des marchés de plusieurs millions de cette entreprise ? Impossible, au risque de menacer les intérêts financiers directs de sa dulcinée.
    DIABY Lanciné n’est pas le seul que nous avons pris en flagrant délit de conflit d’intérêt sur le dossier Afrique Pesage. Le Président du Conseil d’Administration (PCA) du FER, M. Djédjé Bagnon Joachim – influent homme politique par ailleurs président du Conseil Régional du Goh – y a fait recruter son fils, Djédjé Marcel. Il y a déjà là un sérieux conflit d’intérêt, mais nos investigations nous ont permis de découvrir que le fils du PCA est en même temps l’interlocuteur du FER à Afrique pesage. En d’autres mots, c’est comme si le père était chargé de contrôler son propre fils. Pas étonnant, dans ces conditions, que le FER ait fermé les yeux sur les milliards qu’Afrique pesage ne reverse pas à l’Etat depuis 4 ans.
    Nos messages WhatsApp et appels téléphoniques pour permettre à DIABY Lanciné de répondre à ces graves révélations n’ont reçu aucune réponse. Le DG d’Afrique Pesage, BAILLY Sylvestre n’a pas non plus répondu à nos nombreux appels téléphoniques. Par ailleurs, nos nombreuses tentatives pour joindre le PCA du FER, également mis en cause, sont restées infructueuses, comme si tous les acteurs de cette grande magouille qui a privé l’Etat de milliards s’étaient entendus pour ne pas répondre à nos questions. Leur silence pourrait être considéré comme un aveu de culpabilité.

    AYUF SARL la société de Mme DIABY Lanciné faisait des affaires avec Afrique Pesage

    FER / AFRIQUE PESAGE : un contrat de dupes à résilier
    Au regard des informations irréfutables et le lourd passif de l’entreprise Afrique Pesage, notamment au Sénégal et en Guinée, il nous semble urgent que l’Etat ivoirien diligente un audit de la gestion d’Afrique Pesage, mais également du contrat en lui-même aux fins de situer les responsabilités de tous ceux qui ont pu engager la Côte d’Ivoire à signer une convention aussi inique.
    La conséquence qui découlerait de toutes ces actions serait pour le pays de résilier le contrat avec Afrique Pesage et confier cette activité stratégique pour la longévité des routes, à une entreprise plus sérieuse, après un appel d’offre transparent. L’opinion nationale et les partenaires internationaux ne sauraient par ailleurs comprendre que la Côte d’Ivoire accepte de passer par pertes et profits le manque à gagner qui aurait été constaté à l’issue des audits qui viendraient confirmer notre enquête. La prison pour le chef d’orchestre de cette vaste magouille, le patron d’Afrique Pesage – M. Bailly Sylvestre – et celui que nos investigations désignent comme son complice actif ou passif – l’ex-DG du FER – M. DIABY Lanciné- devrait répondre de leur forfait devant les juridictions ivoiriennes.

    le PCA du FER, le DG d’Afrique Pesage et l’ex-DG du FER: partenaires ou complices?


    Ce qui est vrai, est vrai !

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