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    Destruction de Banco Nord Extension 2: La mairie de Yopougon en flagrant délit d’abus de pouvoir

    Le déguerpissement de plus de 4000 personnes par la mairie de Yopougon (qui a semé un certain émoi) renferme plusieurs zones d’ombres qui laissent penser que l’opération a été faite dans la précipitation. C’est ce qui ressort des investigations menées par lenqueteurdetermine.net.

    Depuis le 6 octobre 2021, ce qui était encore appelé Yopougon Banco Extension 2 – sis à la Zone Industrielle de Yopougon – n’est plus qu’un tas de ruines. Au petit matin de ce jour, les services de la Mairie de Yopougon ont procédé au déguerpissement de cet espace, délogeant ses occupants et détruisant les habitations. Conséquence, c’est désormais la guerre ouverte entre la Mairie dirigée par Gilbert Kafana Koné et l’Association des Résidents de Banco Extension 2 (ARBNE 2). Ces derniers accusent le maire d’avoir procédé à la destruction « illégale » de leur quartier. Les déguerpis soutiennent que la procédure en la matière n’a pas été respectée. Des investigations de lenqueteurdetermine.net, il s’agit vraisemblablement d’un fâcheux épilogue pour une situation qui dure depuis des décennies.
    En 1986, en prévision de la construction du CHU de Yopougon, l’Etat réinstalle provisoirement les populations impactées par la construction de cette infrastructure sur un domaine public sis à la Zone Industrielle, dénommé Banco Nord Extension 2. Pour sortir de la précarité, ces populations entament dès 1987 des démarches à l’effet d’obtenir des titres de propriété sur la parcelle qui les accueille. En 1992, le ministère de l’Industrie et du Commerce informe l’ARBNE 2 que la Commission Interministérielle d’Attribution des Lots Industriels a proposé au ministre de la Construction et de l’Urbanisme, le déclassement, la délimitation et le morcellement de la parcelle à leur profit. Nous avons retrouvé une copie de ce courrier daté du 2 septembre 1992.
    Malgré toutes les assurances données, le déclassement reste un mirage.


    Mais manque de bol pour les résidents, en dépit de toutes ces correspondances, le déclassement n’a pu être fait. Depuis, plusieurs démarches ont été entreprises. Les maires qui se sont succédé entre temps à la tête de la commune se sont montrés sensibles au cas de ces des résidents et se sont engagés à les aider.
    Près d’une décennie plus tard, la situation qui n’avait toujours pas été réglée connaît un nouveau rebondissement. Dans l’arrêté N°13-0012/MLCAU/DGUF/DAF du 03 Juin 2013, dont lenqueteurdetermine.net a pu se procurer une copie, le ministre de la Construction et de l’Urbanisme ordonne à la mairie de Yopougon, dirigée par Gilbert Kafana Koné, de procéder dans un délai d’un mois à une enquête de commodo et incommodo en vue de l’approbation du plan de lotissement dénomme « Banco Nord Extension II ». Plusieurs oppositions sont enregistrées à l’issue de cette enquête. Cependant, au cours d’une réunion, le 1er adjoint informe les parties présentes qu’il allait se référer au Ministère de la Construction du Logement de l’Urbanisme, en raison des positions visiblement inconciliables. C’est ce qui ressort du « Compte rendu de la réunion de conciliation suite à l’enquête de commodo incommodo du quartier Banco Nord Extension II » tenue le jeudi 10 octobre 2013 dont lenqueteurdetermine.net a retrouvé une copie.
    Après plusieurs péripéties, le ministre de la Construction et de l’Urbanisme décide de régler de façon définitive la question de la parcelle en la déclassant pour la morceler au profit des résidents.
    Contre toute attente, la Mairie de Yopougon fait servir le 5 août 2021 aux résidents du quartier un avis de sensibilisation valant mise en demeure d’avoir à déguerpir dans les 72 heures. Le 1er octobre 2021, les résidents assignent la mairie en justice. Le jugement prévu pour le 11 octobre n’aura pas lieu puisqu’entre temps, le mercredi 6 octobre, la police municipale appuyée par une escouade de gendarmes et des bulldozers procèdent à la démolition du quartier. Reporté une première fois pour le 25 octobre, le procès a été plusieurs fois ajourné. D’abord au 8 novembre puis finalement au 22 novembre 2021. Se tiendra-t-il à cette date ? Rien n’est moins sûr.

    Abus du pouvoir de la mairie ou simple zèle de quelques agents municipaux ?


    L’attitude de la mairie de Yopougon dans cette affaire soulève plusieurs interrogations. Pourquoi n’a-t-elle pas tenu compte du courrier du ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme qui informe clairement la municipalité de la décision de déclasser le site du domaine public pour morcellement au profit de ses occupants ? Pourquoi s’est-elle empressée de détruire tout un quartier le 6 octobre plutôt que d’attendre le 11 pour présenter ses arguments devant la justice ?
    C’est non sans une certaine gêne que M. Kouamé N’Guessan, le Directeur des Services Techniques de la Mairie de Yopougon, nous a renvoyé à la procédure judiciaire : « Comme vous le savez, l’affaire est en justice. Et à partir de ce moment, je ne peux plus en parler », a répondu notre interlocuteur.
    Pour Me Coulibaly Brahima, avocat et vice-président du Mouvement Ivoirien des Droits Humains (MIDH), ce que la mairie a fait est « un acte de banditisme ». « Sur ce site les habitants ne sont pas propriétaires, mais la mairie non plus. Seul l’Etat de Côte d’Ivoire est propriétaire », a-t-il expliqué. L’avocat fait par ailleurs remarquer que jusqu’au jour de la démolition des habitations, la mairie n’a présenté aucun document officiel pour donner la raison de son action. « Nous allons poursuivre ceux qui ont donné l’autorisation de détruire les biens des gens. Cela n’a aucune justification d’autant plus que quand vous venez détruire, il faut avoir un exécutoire. Et aucun de ces titres n’a été présenté. Ces occupants ne réclament pas la propriété mais disent qu’ils ont été installés par l’Etat et ne peuvent pas se faire déguerpir par la mairie », a indiqué Me Coulibaly Brahima.
    L’affaire embarrasse au plus haut sommet de l’Etat où l’on se demande si on ne pouvait pas faire l’économie d’une telle tension, d’autant plus que l’affaire était pendante devant les tribunaux.

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