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    BNI-Escroquerie-Diawara (2e partie): l’homme d’affaires malien voulait 25 milliards CFA de plus

    Dans la 1ère partie, nous avons démontré comment l’homme d’affaires, Oumar Diawara, s’est retrouvé propriétaire de PERL INVEST – une entreprise appartenant à la Banque Nationale d’Investissement – qui vaut 15 milliards F.CFA, sans avoir déboursé le moindre sou. PERL INVEST a, en effet, été rachetée à 1,59 milliards F.CFA, grâce à un prêt accordé par la même BNI à Oumar Diawara qui s’est servi des documents d’identité de son géniteur – Wally Diawara – pour obtenir le prêt.

    Nos investigations nous ont permis de découvrir qu’aussitôt PERL INVEST cédée, le nouveau propriétaire sollicite de la BNI un prêt de 25 milliards F.CFA. Oumar Diawara avance deux motifs pour justifier cette demande : rembourser la créance de 15 milliards F.CFA de PERL INVEST auprès de la BGFI-Bank dont il a hérité au moment de la reprise de cette entreprise. Deuxièmement, M. Diawara affirme que les 10 autres milliards lui permettraient de financer des travaux immobiliers sur les terrains dont dispose PERL INVEST. D’après mes sources au sein de la BNI, c’est cette requête de l’homme d’affaires qui fera tout capoter. Une demande de prêt de genre ce montant ne peut être traitée en catimini et des membres du Conseil d’Administration commencent alors à sérieusement s’intéresser à toute cette transaction. Les langues se délient rapidement, aboutissant à la suspension de Mme Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré, ensuite relevée de son poste de Directrice Générale de BNI-Gestion, la filiale qui avait monté le projet immobilier, puis revendu l’entreprise PERL INVEST à l’homme d’affaires Congolo-malien, dans des conditions opaques.

    La juge par qui tout l’édifice mafieux s’écroule
    Lorsque cette affaire éclate, par une plainte de la BNI déposée le 17 Décembre 2017, la Côte d’Ivoire ne dispose pas encore de Pôle Pénal Economique et Financier spécialisé dans ce genre de crimes. L’affaire est donc confiée à un magistrat du parquet réputé pour sa rigueur dans le traitement de dossiers complexes. Celle qui est par la suite devenue l’actuelle juge d’instruction au Pôle Pénal Economique et Financier enquête avec beaucoup de sérieux sur cette affaire plutôt compliquée.
    Avec une grande célérité, le juge inculpe et envoie derrière les barreaux l’actrice principale de toute cette entreprise mafieuse, dame Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré. Mlle Bakayoko Mariam, qui lui a visiblement servi de complice pour détourner quelques milliards de la BNI à travers des commissions fantaisistes qu’on lui a souvent payées, est elle-aussi inculpée pour complicité. Le Malien Oumar Diawara sentant que l’étau de la justice allait inéluctablement se refermer sur lui n’a jamais répondu aux nombreuses convocations, malgré les relances. Il profite plutôt pour quitter furtivement la Côte d’Ivoire où il n’a plus remis les pieds depuis.
    Toutes mes tentatives pour faire réagir Mme Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré sont restées vaines. Mais j’ai pu obtenir sa version des faits, notamment les arguments avancés pour sa défense. A travers mes contacts dans les cabinets d’avocats engagés dans cette procédure, je suis en possession de copies de ses auditions. Ce qui frappe dans les différentes réponses et arguments de l’ex-DG de BNI-GESTION c’est sa grande propension au mensonge.
    Questionnée par exemple sur le fait qu’elle a autorisé la BGFI-BANK à débiter tous les comptes de BNI-GESTION dans cet établissement financier pour se rembourser d’un prêt qui appartenait désormais au repreneur de PERL INVEST, dame Sakandé-Cissé répond avoir signé le document qui fait récupérer des comptes de la BNI quelque 15 milliards « par inadvertance ». On peut donc signer « par inadvertance » un document qui fait perdre 15 milliards à son employeur. Un fait encore plus compromettant se retrouve dans la demande d’explication que la banque qui l’employait lui a adressée. Dans cette correspondance que j’ai retrouvée dans les archives de la BNI, le nouveau Directeur de BNI-GESTION rappelle à Mme Sakandé-Cissé une lettre qu’elle a envoyée au régulateur des banques de l’UEMOA « lui donnant l’assurance de ce que les comptes de BNI-GESTION domiciliés à la BGFI-BANK n’avaient pas été mis en garantie ». C’est pourtant l’exact contraire que Mme Sakandé-Cissé a fait. En effet, non seulement elle a hypothéqué auprès de BGFI-BANK la totalité de l’argent des souscripteurs mais, pire, elle a signé une « Autorisation de remboursement », par anticipation, à l’établissement financier qui a permis de vider les comptes de la BNI. Or, comme lui rappelle la BNI dans la demande d’explication, « vous avez toujours indiqué aux Administrateurs qu’un tel document n’a jamais existé ».
    Confondue par toutes ces preuves, plutôt que de confesser ses mensonges, dame Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré a fait des révélations qui finissent par la compromettre. En effet, elle écrit dans un mémo que j’ai réussi à retrouver, avoir suggéré à ses supérieurs hiérarchiques à la BNI « d’encourager M. Diawara à céder PERL INVEST à un autre investisseur disposant d’une bonne surface financière, capable de rembourser les dettes et disposant d’une expérience avérée dans le domaine immobilier ». On croit rêver. La mise en cause confesse ainsi avoir revendu PERL INVEST, de gré à gré, à un repreneur ne disposant d’aucune capacité financière et ne possédant non plus aucune expérience dans le domaine de l’immobilier.

    fac-similé de l'”Autorisation de remboursement” qui a permis de vider les comptes de la BNI

    La Cour de Justice de la CEDEAO roulée dans la farine ?
    A titre conservatoire, la justice ivoirienne a annulé la vente des actifs de PERL INVEST et reversé dans le patrimoine de la BNI tous les terrains, estimés en 2018 à 16 milliards F.CFA par un expert judiciaire, comme il ressort d’un document que j’ai pu consulter. Cette décision a provoqué l’ire de l’homme d’affaire Congolo-malien qui a intenté un procès devant la Cour de Justice de la CEDEAO où il a réclamé que lui soit restitué tous les terrains saisis par la justice au bénéfice de la BNI. Par ailleurs, au motif que la justice ivoirienne ne l’a jamais convoqué pour l’entendre avant de prendre des décisions qui l’ont dépossédé de l’entreprise qu’il avait acquise, Oumar Diawara a demandé que l’Etat de Côte d’Ivoire soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts.
    A la grande surprise de l’Etat, la Côte d’Ivoire a été condamnée à payer 1,250 milliards F.CFA à l’homme d’affaires, pour violation de ses droits, notamment, a estimé la Cour, pour avoir pris des décisions le concernant sans l’avoir convoqué au préalable pour l’entendre. Ainsi donc, une aussi haute juridiction a rendu un jugement autant lourd de conséquences, sur la base des simples déclarations d’un plaignant que la juridiction communautaire n’a jamais recoupées.
    Or, sur cet aspect des choses, j’ai retrouvé plusieurs convocations adressées à M. Diawara qui n’y a jamais répondu. Mieux, j’ai découvert dans les dossiers judiciaires une requête par laquelle l’avocate de l’homme d’affaire, Me Dagbo Esther Désirée, explique au juge d’instruction l’impossibilité pour son client de déférer à la convocation, ce dernier se trouvant hors de la Côte d’Ivoire. Me Dagbo a même proposé une nouvelle date au magistrat pour l’audition de son client. Mais Oumar Diawara ne se présentera jamais devant le Pôle Economique et Financier.
    J’ai demandé à des sources judiciaires ivoiriennes si la Cour de Justice de la CEDEAO avait reçu les mêmes éléments que j’ai pu consulter, qui démontrent de la mauvaise foi d’Oumar Diawara, lorsqu’il soutient que ses droits à se défendre ont été violés par le défaut de l’avoir convoqué. Mes sources au ministère de la Justice indiquent que « la Cour n’a pas accordé assez de temps à l’Etat pour constituer son dossier de défense ». Mais un de mes contacts haut placé affirme le contraire : « nos gens ont, dans ce dossier, fait preuve d’une forme de légèreté et de laxisme. C’est avec la même désinvolture que nos équipes ont traité du dossier Laurent Gbagbo à la CPI ».

    « Saisie » éphémère d’un avion d’Air Côte d’Ivoire
    C’est donc fort de la décision de la juridiction de la CEDEAO que le sieur Oumar Diawara a tenté de saisir l’avion d’Air Côte d’Ivoire à Bamako, le 29 novembre 2021, dans des conditions elles-mêmes rocambolesques, afin de se faire payer par l’Etat ivoirien 1,250 milliards F.CFA. Profitant de la complicité de quelques officiers de la sécurité de l’aéroport de Bamako qu’il a soudoyés, d’après nos sources dans la capitale malienne, l’homme d’affaires s’est retrouvé dans la cabine de pilotage et a présenté un document d’huissier qui, prétendait-il, lui permettait de saisir l’avion. Le Commandant de bord met immédiatement Oumar Diawara en relation téléphonique avec le Directeur Général d’Air Côte d’Ivoire. « Vous ne pouvez pas saisir nos avions pour un différend qui vous oppose à l’Etat ivoirien, pour la simple raison que la compagnie n’est pas une propriété exclusive de l’Etat, qui n’est qu’un des nombreux actionnaires. Et si vous insistez, nous nous réservons le droit d’ester en justice contre vous », explique fermement Laurent Loukou au businessman. Entre temps, informé de la situation, la présidence ivoirienne avait parallèlement mis en branle ses puissants réseaux diplomatiques. L’avion décollera finalement avec à peine cinq minutes de retard, laissant monsieur Diawara sur le tarmac, toujours flanqué du clerc d’huissier qui l’accompagnait.

    Où en est la justice avec les auteurs de la méga-escroquerie ?
    Le 2 Décembre 2021, un tribunal ivoirien a reconnu Oumar Diawara coupable « des faits de complicité d’abus de biens sociaux et de blanchiment de capitaux ». En répression, l’homme d’affaires a été condamné à 20 ans de prison ferme et à une amende de 50.236.600.440 F.CFA, ainsi qu’à la confiscation de tous ses biens en Côte d’Ivoire. Oumar Diawara est également condamné à payer 25 milliards F.CFA de dommages et intérêts à l’Etat de Côte d’Ivoire, propriétaire de la BNI. Le businessman étant absent du pays, un mandat d’arrêt international a été émis contre lui.
    Après avoir été détenue un moment à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA), Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré a obtenu une libération contre paiement d’une caution de 100 millions F.CFA. Elle est donc en liberté conditionnelle, en attente de son procès, avec interdiction de quitter la Côte d’Ivoire.

    Les agissements suspects de dame Sakandé-Cissé Fatoumata Konaré ont poussé le Conseil d’Administration à lui adresser une demande d’explication.

    Oumar Diawara, un ambitieux qui se rêve en Bill Gates
    Je me suis rendu au Congo Brazzaville où j’ai pu cerner le portrait d’Oumar Diawara.
    Avec Djibril Doucouré, Mamaye Kanté, ou encore Tidiane Maréga, son père, Wally Diawara, fait partie de la toute première vague des Ouest-Africains qui s’installent au Congo, au milieu des années 60.
    Consul honoraire du Mali dans la ville portuaire de Pointe-Noire pendant plusieurs décennies, le géniteur d’Oumar Diawara quitte clandestinement le Congo en 2004, alors qu’il est sous la menace d’une arrestation pour fraude fiscale et blanchiment. Cette fuite est un véritable déshonneur pour le vieil homme, considéré comme un notable dans la communauté immigrée de Pointe-Noire, au sein de laquelle il jouit d’une grande honorabilité. Il faut dire que Wally Diawara était inamovible président de l’Association des Commerçants Ouest-africains de Pointe-Noire jusqu’à sa fuite vers le Mali, son pays natal, où il réside toujours.
    Né d’une mère béninoise en 1978 à Pointe-Noire, c’est donc dans une famille de commerçants que grandit Oumar Diawara. Mauvais élève comme me l’ont révélé trois de ses anciens camarades de classe, il abandonne les études à l’âge de 15 ans, sans avoir obtenu le Bac. Il veut accomplir son rêve de devenir milliardaire comme il aimait à le dire à ses amis. Il assiste un moment son père dans son négoce (Import-Export). Riz, farine, sucre, huile, pâtes alimentaires, le père d’Oumar Diawara fait surtout dans les produits de première nécessité. Et ce n’est pas avec cela qu’on devient milliardaire, répète inlassablement Oumar Diawara à ses nombreux frères, sœurs, cousins et cousines qui habitent la concession familiale dans le quartier du marché de Pointe-Noire.
    Comme me l’a confié un de ses amis d’enfance, c’est fort de cette conviction qu’Oumar Diawara commence à chercher des raccourcis pour devenir milliardaire. Il sait jouer de séduction et arrive à faire tomber l’une des filles de Justin Lékoundzou Itihi Ossetoumba, plusieurs fois ministre des Mines, des Finances et du Budget, mais surtout ancien tout-puissant Secrétaire Général du Parti Congolais du Travail (PCT). Par l’entremise de sa belle-famille, Oumar Diawara est désormais à la table des grands et traite avec la famille Sassou Nguesso. Dans le sillage du pouvoir congolais, Oumar Diawara s’arrange pour côtoyer toutes les têtes couronnées qui effectuent des visites officielles au Congo et étoffe son carnet d’adresse.
    La fille de Lékoundzou finit par découvrir qu’elle s’est mariée avec un opportuniste et un arriviste qui s’intéresse plus à des coups qu’il peut réaliser à travers elle et sa famille qu’à l’amour. Le divorce survient, mais le couple a eu le temps de faire un enfant. Au passage, Oumar avait déjà tiré le meilleur profit de ce mariage. Dans l’entourage des Sassou, il a lancé des affaires au Gabon et tissé des amitiés avec Dadis Camara, Alpha Condé et Paul Kagamé, entre autres.
    Comme l’a révélé un de ses proches que j’ai rencontré à Pointe-Noire, « pour Oumar, ce qui compte c’est de gagner beaucoup d’argent et, dans cette course effrénée pour l’enrichissement, il n’y aucune place pour la vertu ou la morale. Tous les coups sont permis ».

    Ce qui est vrai, est vrai !

    1 COMMENTAIRE

    1. Merci pour cette enquête qui vient nous soulager. Elle révèle même que certaines négligences de la partie ivoirienne pourrait cacher une aide complaisante pour n’avancer que cela. Merci encore.

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