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    Escroquerie – 4 milliards : L’ultime étape de l’arnaque du maire de Bangolo (suite et fin).  

    S’il n’avait pas tenté de quitter le pays, violant du même coup les conditions de son contrôle judiciaire qui lui interdisait de sortir du territoire, le maire Gah Arsène serait peut-être toujours en liberté. La dernière étape de l’escroquerie qu’il a montée, au préjudice de l’homme d’affaires ivoirien d’origine malienne -Komé Cessé- illustre le cynisme, poussé à son paroxysme, de la bande de criminels. 

    « Je vais poursuivre monsieur KOMÉ pour qu’il paie la commission contractuellement due à mon client. C’est pour ne pas payer cette commission que monsieur KOMÉ Cessé a déclaré que les billets sont faux », nous a déclaré lors d’un entretien téléphonique Me Gbougnon Serge, l’avocat du maire de Bangolo. Nous avons demandé à Me Gbougnon s’il connaît dans le monde une institution financière qui prête 200 millions d’Euros à quelqu’un en espèces ? le Conseil de M. Gah a répondu par la négative, confirmant implicitement, sans le savoir, que toute l’opération montée par son client n’était qu’une escroquerie classique au demeurannt bien connue des enquêteurs, policiers et gendarmes. Comme Komé Cessé, de nombreux hommes d’affaires en ont été victimes, parfois par naïveté, souvent par cupidité. Devant les enquêteurs de la police économique ivoirienne, le propriétaire de Radisson Blu Hotel d’Abidjan avait confessé sa naïveté.

    Nous avons demandé à l’avocat du maire Gah Arsène sur quelle base il réclame une commission sur un prétendu financement de 200 millions d’Euros transportés en espèces à Abidjan, qui n’était en fait que des faux billets d’une valeur d’environ 30 millions d’Euros. Me Gbougnon a interrompu brusquement l’entretien, alors que les questions devenaient visiblement trop embarrassantes, au point de pouvoir même le compromettre dans une complicité d’escroquerie.

    En fait, par son action annoncée de réclamation de commissions, l’avocat participe à la dernière phase de l’escroquerie. Cette étape, la plus cynique et la plus inhumaine, intervient lorsque les escrocs se rendent compte que leur victime n’est pas ruinée et qu’on peut encore lui soutirer de l’argent. Dans le cas de M. Komé, le stratagème a consisté à faire croire qu’il a effectivement reçu les fonds des bailleurs, mais qu’il refuse de payer la commission due aux intermédiaires, en l’occurrence ici le maire GAH Yemonli Arsène et KODJO Victor Alain Claude. Dans le milieu de ces super-escrocs, experts dans cette forme d’extorsion de fonds très ingénieux, cela s’appelle « remontage».

    Dans une supposé plainte de M. Kodjo contre M. Komé -en réclamation de commissions- dont nous avons pu obtenir copie, ce dernier écrit : « Nous avons entrepris des recherches avec nos avocats en France pour retrouver la banque » prêteuse. Le crime n’est jamais parfait. Ainsi donc, de prétendus experts financiers ne savaient donc même pas où se situait la banque auprès de laquelle ils prétendent avoir mobilisé 200 millions d’Euros au profit de monsieur Komé ? On peut en rire. Autre incongruité, dans aucune communication, aucun des prétendus apporteurs d’affaires ne mentionne le nom de l’établissement financier en question. Et pour cause, il n’existe tout simplement pas. Plus loin, dans la même supposée plainte qui n’était en réalité qu’un moyen pour faire pression sur M. Komé, M. Kodjo affirme détenir « toutes les correspondances prouvant la duplicité de monsieur Komé qui ne veut ni payer nos commissions, ni rembourser l’argent des prêteurs ». Sauf qu’aucun prêteur n’a jamais engagé d’action en réclamation contre M. Komé, puisqu’il n’en existe pas.

    Après l’échec des fausses copies de plaintes envoyées à M. Komé, les escrocs entreprennent des actions d’intimidation fortes pour contraindre l’homme d’affaires à cracher au bassinet. C’est ainsi qu’ils approchent le très craint ex-chef rebelle -Koné Zakaria- à qui ils expliquent que le patron de Koïra Holding leur doit une commission de 10 millions d’Euros (6.500.000.000 FCFA) qu’il refuse de payer. Le colonel, qui s’était improvisé agent de recouvrement, se retirera rapidement de l’affaire, après avoir compris qu’on voulait se servir de lui pour extorquer de l’argent à M. Komé.

    Me GBOUGNON Serge participe donc activement, lui aussi, à la dernière phase de l’escroquerie. L’avocat est-il complice ou une autre victime de son client qui l’utilise ? Rien ne nous permet d’affirmer la complicité du Conseil de Gah Arsène dans cette phase de l’escroquerie, même si son attitude interroge. Il a brusquement interrompu notre conversation au moment même où nous commencions à lui poser des questions pointues, qui nous auraient permis de savoir si nous sommes toujours en présence d’un avocat, ou si le Conseil s’est mué en complice dans la commission de l’acte criminel.

    Les interférences politiques

    Au cours de cette investigation, nous avons pu nous entretenir avec les enquêteurs (police et gendarmerie), mais également avec plusieurs sources judiciaires. Tous nous ont exprimé leur frustration que cette affaire ne soit pas allée jusqu’au bout, lorsqu’elle a éclaté en 2017. Ils mentionnent tous l’intervention d’un ancien premier ministre qui n’est plus de ce monde. Successeur putatif du président Ouattara, l’homme politique avait pesé de tout son poids auprès du parquet, pour faire libérer Gah Arsène, mais l’affaire n’a jamais été classée, puisqu’il fut plutôt libéré sous contrôle judiciaire. Pro-Gbagbo et militant actif du FPI, l’escroc venait de virer dans le RHDP du président Ouattara, visiblement par pur opportunisme, dans l’intention d’échapper à la justice. Au moment où il déclarait sa flamme au parti au pouvoir, il se savait déjà traqué.

    Nous avons également retrouvé des preuves écrites de ce que l’ex-ministre des Sports -DANHO PAULIN- n’est pas à sa première manifestation de zèle sur ce dossier. Selon des sources sécuritaires très haut placées, le président de l’association des maires de Côte d’Ivoire était déjà intervenu dans le dossier, au moment de la première interpellation de GAH Yemonli Arsene, en 2017. DANHO Paulin avait notamment tenté de persuader -sans succès- les enquêteurs de laisser tomber l’affaire, avant d’essayer une conciliation entre le maire de Bangolo et sa victime. Des sources judiciaires proches du dossier, nous apprenons qu’on tente d’établir les réelles motivations du président de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), dans cette affaire. En clair, la justice veut désormais savoir tout ce qui justifie l’activisme de DANHO Paulin dans la défense d’un escroc qui est passé aux aveux depuis 2017. Aurait-il pu, d’une manière ou d’une autre, bénéficier -en toute connaissance de cause- des fonds issus des activités criminelles du maire Gah Arsène ? Selon nos sources, le maire d’Attécoubé fait désormais l’objet d’une enquête. 

    M. DANHO Paulin, président de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI)/ Photo-DR

    Le nom de l’ex-ministre Mabri Toikeusse a été cité. Selon des enquêteurs, le maire Gah Arsène a plusieurs fois revendiqué entretenir d’excellents rapports avec ce dernier, en 2017. Mais après recoupements, il semblerait que leurs relations n’aient pas dépassé le cadre de la camaraderie entre membres du même parti, originaires de la même zone. Gah Arsène a pourtant fait du trafic d’influence avec le nom de Mabri Toikeusse, notamment lors de son interaction avec les enquêteurs dans cette affaire d’escroquérie.

    La quête de « l’immunité politique »

    D’après plusieurs sources avec lesquels nous nous sommes entretenus, c’est par pur calcul que Gah Yemonli Arsène a adhéré au parti au pouvoir, où il croyait trouver protection et bénéficier d’une forme d’immunité politique.

    Le trio des brigands: à gauche, le Camerouno-kenyan (Philippe Kariuki PONA); à droite, le rabatteur Ivoirien (Kodjo Victor Alain Claude); au milieu, le cerveau de toute l’arnaque (Gah Yemonli Arsène) /Photo-DR
    L’autre complice Camerounais du maire Gah Arsène /Photo-DR

    Ailleurs en Afrique, d’autres grands escrocs recherchent de la respectabilité et l’immunité, en s’engageant dans une carrière politique pour échapper à la justice. Au Cameroun, un « féman » notoire – Jean Claude Feutheu alias Claude Le Parisien- est devenu député du parti au pouvoir. Le Malien Fountaga Sissoko connu comme Babani Sissoko, qui avait réussi à délester la Dubaï Arab Bank (DAB) de 250 millions dollars (175 milliards FCFA) est devenu député et l’est demeuré jusqu’à son décès en mars 2021.  

    A gauche Le Malien Fountaga Sissoko connu comme Babani Sissoko et Jean Claude Feutheu alias Claude Le Parisien / Photo-DR

    Une méthode d’arnaque qui fait des ravages

    L’arnaque dont a été victime monsieur Komé Cessé est bien connue et nombre de personnalités en ont été victimes. Très souvent, les victimes préfèrent ne pas en parler, soit parce qu’elles culpabilisent d’avoir été autant naïves, si ce n’est de crainte d’être taxées de cupides.

    Il y a quelques années, la mère d’un banquier ivoirien en vue a perdu une centaine de millions de F.CFA. Des escrocs lui avaient fait croire qu’ils étaient en train de transporter pour elle, dans une fourgonnette de transport de fonds, des milliards que le fils de Kadhafi avait abandonnés au Niger lors de son extradition de Niamey vers Tripoli. La pauvre dame avait été appâtée par le discours des escrocs qui lui avaient révélé la supposée volonté de Saadi Kadhafi qui, selon ses interlocuteurs, avait souhaité que son argent serve à aider les pauvres. La vieille dame au grand cœur y a vu l’occasion de pouvoir impacter de façon plus significative la vie de milliers de démunis. La fourgonnette est bien sortie devant elle, à Accra, prétendument pour la frontière ivoirienne, où elle allait réceptionner les “milliards” de F.CFA, mais elle n’en a plus jamais entendu parler.

    Un autre Ivoirien, actuellement ambassadeur de Côte d’Ivoire dans un pays africain, a perdu 125 millions F.CFA dans une affaire dans laquelle il croyait traiter avec des bailleurs de fonds nigérians qui l’aideraient à financer un marché public qu’il venait de gagner. Pour le rassurer, les escrocs l’avaient fait voyager au Nigeria, où il avait eu avec eux une séance de travail dans un imposant immeuble supposé être le siège de la banque centrale du Nigeria. Les virements qu’il attendait ne sont jamais arrivés, et il n’a plus jamais entendu parler de ces malfrats.

    Ce qui est vrai, est vrai !

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