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    Affaire PETROCI – MIR : Une attaque en règle contre la justice ivoirienne et le régime

    Dans son argumentaire pour convaincre la justice new-yorkaise de ce qu’elle est compétente pour juger du différend qui l’oppose à PETROCI, l’homme d’affaires ivoirien Biamary COULIBALY n’hésite pas à dépeindre la justice ivoirienne dans des traits les plus sombres.

    En réaction à la plainte de ETS MIR aux Etats-Unis pour rupture abusive de son contrat de quelque 157 milliards FCFA, PETROCI a demandé au tribunal américain de se déclarer incompétent. La société pétrolière, à travers ses avocats, explique notamment aux juges américains que les deux entreprises – ETS MIR et PETROCI – sont ivoiriennes, dirigées par des Ivoiriens. Mieux, défend le document du conseil de PETROCI, le différend porte sur un marché passé en Côte d’Ivoire, pour du gaz destiné au marché ivoirien. Il n’y a donc, plaide PETROCI, aucune raison objective qui justifierait que ce contentieux soit tranché ailleurs que devant les juridictions ivoiriennes.

    La riposte assassine de Biamary COULIBALY

    C’est un des tableaux les plus sombres qu’il nous a été donné de lire sur la justice ivoirienne qu’a présenté Biamary COULIBALY devant la juridiction américaine. Dans ses mémoires, dont L’Enquêteur Déterminé (https://lenqueteurdetermine.net/) a pu consulter copie, l’avocat de M. COULIBALY présente la justice ivoirienne comme un simple outil au service du régime. 

    A la suite des différentes explications de pure forme, les conseils de Biamary avertissent, pour crédibiliser leur argumentaire, qu’il « existe des actes recensés par des Organisations Non-Gouvernementales de renom, qui prouvent que la Côte d’Ivoire n’est pas une alternative adéquate pour statuer sur le différend » opposant ETS. MIR à PETROCI.

    L’homme d’affaires liste ensuite ce qu’il présente comme des faits pertinents qui illustrent – selon ses avocats et lui – la partialité de la justice ivoirienne. De façon plus précise, Biamary COULIBALY cite le rapport 2022 de Freedom House qui déclare, parlant de la Côte d’Ivoire, que « la justice n’est pas indépendante et les juges sont fortement susceptibles d’être influencés par des interférences étrangères à l’appareil judiciaire ainsi qu’aux dessous-de-table. Les procédures judiciaires sont opaques. Les tribunaux rendent généralement les verdicts en tenant compte des intérêts politiques du parti présidentiel et le pouvoir judiciaire était totalement mobilisé pour soutenir le 3e mandat du président Ouattara ».

    Après cette attaque au vitriol de la justice ivoirienne et du régime du président Ouattara accusé d’instrumentaliser la justice, l’homme d’affaires et ses conseils poursuivent sur la même lancée, en citant cette fois-ci une obscure organisation – The World Justice Project – qui accorde à la Côte d’Ivoire des notes peut flatteuses dans les domaines de la corruption de la justice, la mauvaise distribution de la justice et la mainmise de l’exécutif sur l’appareil judiciaire.

    Les failles dansles contrats

    Les contrats litigieux qui lient PETROCI à ETS MIR, comme nous l’ont confirmé plusieurs juristes experts relèvent du faux et de l’escroquerie. En effet, le premier contrat entre les deux entreprises, d’ailleurs exécuté sans aucun incident, concernait deux entités de droit ivoirien. Mais les deux conventions objet du contentieux actuel comportent une faille de taille. Alors qu’au départ il s’agit pour PETROCI de contracter avec ETS MIR domicilié à Abidjan Riviera 2, on découvre dans ces conventions, dont nous avons pu obtenir copie que, quand bien même il s’agissait de la même dénomination, l’entreprise est localisée cette fois-ci plutôt dans le Sud Dakota, aux Etats-Unis.

    La deuxième curiosité réside dans le fait que, comme on peut le lire à l’article 15 de la convention, « les parties acceptent expressément la juridiction exclusive du tribunal de commerce de New York », pour le règlement de tout litige qui découlerait de de l’exécution de ce contrat. Une véritable incongruité, lorsqu’on sait que ETS MIR est une entreprise ivoirienne, représenté par un Ivoirien. C’est du moins ce que pensait la direction de PETROCI qui avait déjà signé un premier contrat avec ETS MIR qui a son siège social à Abidjan, représentée par Biamary COULIBALY. Sauf qu’un mois avant la signature des nouveaux contrats, exactement le 12 Janvier 2022, comme nous avons pu le découvrir dans les documents en notre possession, le même Biamary COULIBALY a créé une autre entreprise aux Etats-Unis, avec exactement la même dénomination que celle qui venait d’exécuter un premier contrat de fourniture de gaz à PETROCI. Il s’agit-là clairement d’un cas de substitution malicieuse d’entreprise ou même d’usurpation de droit. Mais comment l’homme d’affaires a-t-il fait pour tromper la vigilance d’une aussi importante entreprise ?

    Dans leur mémo, les avocats de Biamary COULIBALY affirment que la justice ivoirienne n’est pas crédible.

    Les rédacteurs des contrats

    Nous avons pu, dans le cadre de notre enquête, retracer le parcours des deux contrats d’un montant total d’environ 157 milliards FCFA.

    Juriste affecté à la Direction Commerciale, c’est YAO N’dri Frédéric qui a rédigé le contrat, selon nos sources au sein de PETROCI. La rédaction du contrat a été supervisée par Francis COMOE – ancien Directeur Commercial – qui l’a même paraphé pour le compte de PETROCI.

    Comme nous avons découvert au cours de notre investigation, le hic c’est que les deux cadres n’ont jamais rapporté au coordinateur des services juridiques et du contentieux, M. Yannick BERY.

    La 3e personne associée à la rédaction de ces contrats, c’est le Directeur Financier et Comptable (DFC), M. Hassan Keffing KANTÉ, notamment pour ce qui est des aspects financiers. Car, contrairement aux règles de PETROCI qui stipulent que les prestataires sont payés dans un délai de 60 jours après livraison, les instructions du ministre du Pétrole d’alors, Thomas CAMARA, ont permis à Biamary COULIBALY de recevoir une avance de 60%.

    Nous avons pu joindre M. YAO N’dri Frédéric à qui nous avons posé des questions au sujet des incongruités contenues dans les contrats, mais il a très courtoisement estimé n’avoir pas reçu d’autorisation de sa hiérarchie pour répondre aux journalistes et il nous a renvoyé plutôt vers le service communication. Toutes nos tentatives pour joindre le service communication de PETROCI sont restées vaines.

    Le service juridique de PETROCI n’a jamais vu le contrat accordé à l’entreprise de Biamary COULIBALY, comme si des individus avaient voulu faire signer ce document en catimini, en comptant sur le fait qu’aucun DG ne lit entièrement un contrat sauf, affirment deux directeurs d’entreprises publiques, « dans les cas de conventions pouvant avoir de graves conséquences pour l’entreprise ». Nous avons demandé à ces patrons si un contrat comme celui liant PETROCI à l’entreprise de M. Biamary COULIBALY pouvait être considéré comme une convention à surveiller particulièrement et ils ont été formels sur le fait que « M. Biamary ayant été recommandé par le ministre de tutelle, le directeur estime généralement n’avoir rien à craindre, la présence du ministre agissant ici comme une sorte de caution et une garantie tous risques ». Selon un proche du Directeur Général, ce n’est que lorsque l’affaire a éclaté qu’il découvre que le service juridique n’a jamais vu ces contrats qui lui ont été soumis pour signature.

    Le règlement amiable

    Selon nos informations, nonobstant l’avis contraire du service juridique de PETROCI, l’actuel ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie – Mamadou SANGAFOWA COULIBALY – aurait pris fait et cause pour Biamary COULIBALY et ordonné à la compagnie pétrolière nationale de transiger avec ETS MIR.

    Depuis l’éclatement du contentieux – toujours d’après nos sources – ce dossier est géré directement par le ministère du Pétrole à travers la Conseillère juridique du Ministre, Mme Mariam DIAKITÉ.  

    Nous avons envoyé par WhatsApp des questions précises au ministre SANGAFOWA COULIBALY ainsi qu’à Mme DIAKITE. Ni l’un, ni l’autre, n’a réagi.

    Dès la publication de notre premier article sur cette affaire et le tollé suscité au sein de l’opinion et dans les hautes sphères du pouvoir, il nous revient que le ministre a revu sa position. SANGAFOWA COULIBALY ne mettrait apparemment plus la pression pour faire conclure un arrangement amiable avec l’homme d’affaires. Toujours selon les mêmes sources, de peur de se voir accusé de connivence avec Biamary COULIBALY, le Ministre ne le prend plus au téléphone.

    Le règlement amiable proposé à Biamary COULIBALY consistait à poursuivre le contrat avec PETROCI, à savoir 100.000 tonnes de gaz butane cette année et 100.000 tonnes en 2024. Mais, rassuré d’avoir pris l’ascendant sur le gouvernement, l’homme d’affaires avait exigé mieux : un nouveau contrat, cette fois-ci sur cinq ans, avec des volumes plus importants. Biamary COULIBALY réclame désormais 150.000 tonnes l’an, à la place des 100.000 tonnes que PETROCI lui avait commandées.

    Très discret, Biamary COULIBALY est un personnage atypique. Nous avons retrouvé au cours de notre enquête que ce businessman traitait avec PETROCI il y a quelques années, plus précisément avec la Fondation PETROCI pour laquelle une de ses entreprises a exécuté plusieurs marchés de construction d’édifices.  Celui qui revendique des amitiés avec plusieurs têtes couronnées d’Afrique avait effectivement ses entrées dans quelques palais. Il a notamment fait affaire avec l’ancien président malien IBK, mais également avec les ex-présidents Blaise Compaoré, Yahya Jammeh et Alpha Condé. Il fréquente par ailleurs le Togo, où il a des conversations avec le président Faure GNASSINGBE.

    Ses relations parentales vont du très puissant Agent Comptable Central du Trésor (ACCT) ivoirien, Ali Kader COULIBALY, au président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, N’golo COULIBALY. Il a aussi des liens de parenté avec le Directeur de l’Administration de PETROCI, Mimouni COULIBALY.

    Biamary COULIBALY est le patron du quotidien ivoirien LE JOUR PLUS.

    Sa plainte aux Etats-Unis contre PETROCI n’est pas forcément à son avantage. Une de nos sources dans l’entourage de Biamary COULIBALY nous a rapporté que la publicité médiatique dans cette affaire l’irrite au plus haut point. Elle risquerait, craindrait-il, de susciter la méfiance de certains de ses interlocuteurs dans les couloirs du pouvoir, tant en Côte d’Ivoire qu’ailleurs en Afrique.

    Ce qui est vrai, est vrai !

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