L’éventualité de l’exploitation de cette affaire pour déstabiliser la Côte d’Ivoire était une hypothèse qui revenait dans toutes les analyses des observateurs indépendants. Le débriefing des trois soldates libérées le 3 septembre dernier a permis d’en avoir la preuve formelle. Enquête.
L’information est considérée « Secret défense », mais j’ai pu m’entretenir avec plusieurs hauts fonctionnaires de l’appareil sécuritaire ivoirien qui m’ont rapporté les mêmes informations confirmant la volonté de la junte malienne de provoquer un soulèvement dans les casernes en Côte d’Ivoire, qui aboutirait au renversement du président Ouattara.
D’après une de mes sources très haut placée, les soldates libérées ont confié au ministre de la Défense comment la junte malienne a tenté de les pousser à se révolter contre leur gouvernement : « Vos autorités vous exploitent. Vous êtes payés des broutilles alors que pour votre mission vous devriez percevoir plusieurs millions de F.CFA par mois. C’est en tout cas ce que la partie allemande paie pour votre mission, mais une partie de votre argent est détournée par vos autorités ».
Les autorités maliennes ne se doutent pas de l’effet que ce genre d’intox peut produire chez des militaires. La question de la rémunération des contingents envoyés dans les missions internationales a, par le passé, provoqué des mutineries dans certains pays africains, des contingents de retour ayant estimé qu’une partie de ce qui leur revenait ne leur avait pas été versé. Dans la vision de la junte malienne, une mutinerie de militaires ivoiriens aboutirait au renversement du pouvoir d’un Alassane Ouattara que les colonels maliens considèrent hostile.
Selon mes sources, le rapport des trois soldates libérées a fait l’objet d’une fiche des services de renseignements au président de la République, même si cette information venait juste comme une confirmation des différentes notes d’analyses des renseignements ivoiriens.
Un haut cadre de l’appareil sécuritaire ivoirien m’a déclaré que « cette tentative de manipulation des militaires captifs n’est que le plan B des autorités maliennes dans leur volonté de déstabiliser le régime du président Ouattara ». Selon ce responsable, le plan A « consistait à faire révolter les frères d’armes des captifs dans les casernes à Abidjan » sous le prétexte que les autorités ivoiriennes ne faisaient pas assez pour obtenir la libération de leurs camarades.
Mais le gouvernement ivoirien a si bien géré le dossier et communiqué intelligemment avec la troupe, que c’est plutôt contre le gouvernement malien qu’est aujourd’hui dirigée la colère des militaires ivoiriens. Un colonel de l’armée ivoirienne – qui dirige une des unités d’élite – avec qui je me suis entretenu, m’a informé que ses « hommes sont mentalement, psychologiquement et physiquement prêts et ne rêvent que d’une chose : l’ordre du président de la République pour déferler sur Bamako ». Une source à la présidence ivoirienne est cependant formelle sur le fait que l’option militaire n’est même pas envisagée par le président Ouattara, qui n’écarte « aucune autre forme de pression, sur la transition malienne, pour ramener nos hommes au pays ».
Abidjan a donc désormais la preuve formelle que la junte malienne voudrait profiter de la prise en otage de ses militaires pour déstabiliser les institutions ivoiriennes.
Ce qui est vrai, est vrai !