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    PETROCI : Le litige gazier qui a emporté le DG (1ère partie)

    Selon nos informations, c’est l’annulation d’un gros contrat gazier d’environ 157 milliards de F.CFA qui a provoqué la suspension du Directeur Général, « sur instruction du président de la République ».

    La communication de la compagnie pétrolière publique ivoirienne a beau insister sur le fait que la suspension de son Directeur Général n’est pas une sanction, il n’en reste pas moins que la méthode cavalière par laquelle cette décision a été prise – suspension suivie de la nomination d’une intérimaire et passation de service en l’absence du titulaire du poste en mission à l’étranger – dissimule mal la brutalité d’une décision lourde de sens.

    C’est l’ancien ministre des Mines et du Pétrole, Thomas Camara qui a recommandé ETS MIR à PETROCI HOLDING

    Les contrats par lesquels tout est arrivé

    D’après différentes sources, lorsque le président de la République apprend qu’une entreprise ivoirienne poursuit PETROCI devant les tribunaux américains, il entre dans une violente colère et demande tout de suite de suspendre le Directeur Général « par la faute de qui le nom et la réputation du pays pourraient être trainés dans la boue ». Mais de quoi s’agit-il ?

    Il ressort de documents confidentiels que nous avons pu obtenir que le 4 novembre 2021, PETROCI a conclu un premier contrat avec ETS MIR, une entreprise de droit ivoirien, sans aucune expérience dans le trading et la commercialisation du gaz butane, représentée par monsieur Biamary COULIBALY. Mais d’après mes sources très informées au sein de PETROCI, ETS. MIR avait été « fermement » recommandée par le ministre des Mines et du Pétrole d’alors, Thomas Camara. J’ai demandé confirmation de cette information à M. Camara, qui n’a toujours pas répondu. Cette recommandation sera très dommageable pour la compagnie pétrolière publique ivoirienne.

    En effet, avec la caution apportée par son ministère de tutelle à ETS. MIR, PETROCI n’a plus pris les précautions d’usage et a même manqué de vigilance. Après un premier contrat portant sur un petit volume (10 tonnes) bien exécuté, et toujours grâce à la caution du ministre Pogabaha Thomas CAMARA, PETROCI accorde deux autres marchés de fourniture de gaz à cette entreprise – 75.000 tonnes en 2022, 100.000 tonnes en 2023 et 100.000 tonnes en 2024 – p our un montant total de 157 milliards F.CFA.

    En raison des risques que ETS. MIR a fait peser sur PETROCI, le direction générale a pris la décision de rompre le contrat.

    La rupture de contrats qui fâche le président de la République

    D’après nos sources très au fait de cette affaire, les deux parties sont en pleine exécution de ces deux conventions lorsque PETROCI est saisie par la Direction Générale des Impôts à propos de ETS. MIR. Dans une première correspondance de la DGI dont j’ai pu obtenir copie, le fisc informe la compagnie pétrolière nationale de ce qu’un agent de sa Direction des Enquêtes et du Renseignement se rendra dans ses locaux pour enquêter sur les paiements effectués par PETROCI au profit de ETS. MIR. Cette lettre de la Direction des Impôts sonne comme une alerte pour les dirigeants de PETROCI qui ouvrent leur propre enquête sur ETS. MIR et ce qu’ils vont découvrir crée la stupéfaction. En passant en revue les différents documents échangés avec ETS. MIR, ils se rendent compte que PETROCI s’est, de facto, retrouvée à faire affaire avec deux entités aux noms quasi-identiques, représentées par le même Biamary COULIBALY.

    Alors que PETROCI est liée par un contrat de fourniture de gaz à ETS. MIR, entreprise de droit ivoirien dont le siège social est à Abidjan, M. Biamary COULIBALY, possède en fait une autre entreprise basée aux Etats-Unis avec pratiquement la même dénomination (ETS MIR LLC), au point que l’administration de PETROCI ne s’était jusque-là pas rendu compte de la supercherie.

    Malgré le fait que les contrats ont été signés avec ETS. MIR, l’entreprise ivoirienne dont le siège déclaré est à Abidjan, RIVIERA II, monsieur Biamary COULIBALY a souvent émis des factures sur papiers à en-tête de ETS MIR LLC, entreprise de droit américain, qui n’a juridiquement aucun lien d’affaire avec PETROCI. D’importants capitaux ont ainsi quitté frauduleusement le pays, des faits constitutifs de crime de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux.

    J’ai pu consulter quelques correspondances et des factures adressées à PETROCI signées de Biamary COULIBALY, qui confirment la volonté de dissimulation. Dans une note confidentielle du cabinet français MB Avocats, qui défend les intérêts de PETROCI dans cette affaire, on peut lire que « Monsieur Biamary COULIBALY a orchestré une véritable confusion juridique en substituant les sociétés ETS MIR (Côte d’Ivoire) et ETS MIR LLC (ETATS-UNIS) dans la cadre du contrat du 14 février 2022, abusant de la confiance gagnée auprès de PETROCI HOLDING ».

    Le cabinet français MB Avocats, qui défend les intérêts de PETROCI dans cette affaire, écrit que Biamary COULIBALY a orchestré une véritable confusion juridique.

    Fort de tous ces constats qui mettent en évidence la moralité douteuse des dirigeants de ETS MIR, PETROCI décide de rompre le contrat. Par correspondance en date du 3 Juin 2022, adressé au patron de ETS MIR, dont j’ai pu me procurer une copie, le Directeur Général de PETROCI l’informe que sa compagnie a été saisie « par l’administration fiscale ivoirienne en dénonciation de votre situation fiscale irrégulière, qui ne vous autorise pas à exécuter la prestation pour laquelle nos parties se sont engagées ». Dans la même missive, le DG de PETROCI, Vamissa BAMBA, écrit qu’en raison « de la gravité de la situation, et compte tenu du risque qu’elle fait peser sur PETROCI, notamment l’éventualité d’un redressement fiscal solidaire », la compagnie « PETROCI décide de résilier avec effet immédiat, les relations contractuelles susdites ».

    Une deuxième lettre de la DGI – que j’ai pu consulter – viendra confirmer les craintes de PETROCI qui avait justifié sa décision de rompre le contrat avec ETS MIR. Le 8 février 2023, le fisc informe le pétrolier ivoirien que ETS MIR « a fait l’objet d’un redressement fiscal » d’un montant de 3.315.592.570 FCFA. 

    Intriguée par des irrégularités, la Direction Générale des Impôts a adressé un courrier à PETROCI pour obtenir des éclaircissements.

    La contre-attaque de MIR

    Alors que, comme l’indique clairement les faits exposés, ETS MIR aurait dû prendre acte des conséquences de ses pratiques répréhensibles, l’entreprise porte plainte devant les tribunaux américains, contre PETROCI, pour rupture abusif du contrat. Dans un premier temps, elle réclame à PETROCI 80.000.000 $ (48.040.000.000 FCFA) de dommages. Après une première tentative de règlement amiable, Biamary COULIBALY revoit ses prétentions à la baisse : 50.000.000 $ (30.025.000.000 FCFA). D’après mes sources très haut placées, le président de la République a instruit le Premier ministre de prendre cette affaire en main et de trouver un arrangement amiable pour éviter une situation où un homme d’affaire Ivoirien attaque devant des tribunaux étrangers une entité détenue à 100% par son propre pays.

    La rupture des contrats était-elle justifiée ?

    J’ai demandé à plusieurs fiscalistes ivoiriens si le procédé de M. Biamary COULIBALY ne relève pas de l’optimisation fiscale – pratique certes moralement indéfendable – mais parfaitement légale. La réponse de ces experts est catégorique : pour que cela soit classé dans la catégorie « optimisation fiscale », il eut fallu que ce soit MIR LLC (USA) qui signe le contrat avec PETROCI et qui se fait donc payer dans ses comptes aux États-Unis. « Dans le cas d’espèce il s’agit clairement de fraude par la dissimulation des recettes d’une entreprise ivoirienne qui se fait payer dans des comptes d’une autre compagnie basée aux États-Unis ».

    J’ai demandé à un avocat d’affaires si la découverte d’une telle magouille pouvait constituer un motif valable de rupture de contrat. Sa réponse a été claire : « oui ».

    Le Directeur Général suspendu n’était joignable sur aucun de ses numéros qui m’ont été communiqués, mais un de ses proches collaborateurs est formel : « Ceux qui veulent la tête de Vamissa BAMBA devront trouver autre chose. Car, nous nous demandons bien comment cette affaire a été expliquée au président de la République pour qu’il suspende le DG, là où il méritait plutôt des félicitations pour sa vigilance et sa rigueur ».

    M. Biamary COULIBALY que j’ai contacté par Whatsapp a choisi de ne pas répondre à nos questions.

    Dans la deuxième partie de notre investigation, nous reviendrons sur les différents audits actuellement en cours à PETROCI, qui renforcent le sentiment, de plus en plus grandissant auprès du personnel, que l’on voudrait à tout prix trouver un motif pour limoger leur patron.

    Ce qui est vrai, est vrai !

    A suivre

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