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    DG ARTCI : Surfacturation, Fraudes, faux et usage de faux, favoritisme…

    Les preuves s’accumulent contre la directrice générale de l’Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI). Les faits sont très graves et son limogeage semble irrémédiablement acté.

    Le recrutement de son petit frère direct, M. Soiliho Bamba, en violation de toutes les procédures en matière d’embauche à l’ARTCI, est en quelque sorte l’acte qui annonce la couleur d’une mauvaise gestion et des pratiques répréhensibles qui iront crescendo.

    Favoritisme dans le recrutement du petit frère

    La directrice générale, Mme Namahoua Touré-Bamba a recruté son frère cadet le 20 mai 2022, soit seulement deux semaines après sa prise de fonction. Elle foulera aux pieds toutes les règles, comme me l’ont confirmé plusieurs de ses collaborateurs. Normalement, il aurait fallu qu’un service ait exprimé le besoin de renforcer son effectif et qu’un appel à candidature soit lancé pour tout recrutement. Or, aucun service n’avait exprimé de besoin, « pas même la direction générale. Pire, le poste d’assistant administratif pour lequel Soiliho Bamba a été recruté n’existe pas dans notre organigramme » m’a déclaré un haut cadre de l’ARTCI. La directrice a, dans ce recrutement, outrepassé ses prérogatives. En effet, si le Décret n°2012-934 du 19 septembre 2012 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Télécommunications / TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) reconnaît au directeur général le pouvoir de recruter, nommer, noter et licencier les membres du personnel, le même texte précise que tous ces actes devraient obtenir l’approbation du Conseil de Régulation qui est au-dessus de la Direction Générale. Or, selon plusieurs sources au sein du Conseil de Régulation avec lesquels je me suis entretenu, le Conseil n’a appris le recrutement de M. Soiliho Bamba qu’à la suite d’une dénonciation par le syndicat du personnel. Recruté en mai 2022 comme « assistant administratif » avec un salaire de 763.538 F.CFA, le frère de la directrice sera bombardé quelques mois plus tard chef du service Logistique. Son salaire sera triplé en moins de huit mois au sein de la structure pour atteindre aujourd’hui 1.883.779 F.CFA. Interrogé sur ce recrutement qui fait polémique, la directrice générale n’avait toujours pas répondu au moment où je rédigeais mon article.

    Le marché de l’assurance qui pose problème

    Lorsque Mme Namahoua Bamba épouse Touré prend fonction le 06 mai 2022, l’entreprise d’Etat vient de renouveler le contrat avec son assureur, GNA Assurance. J’ai pu obtenir une lettre de notification du marché à l’adjudicataire. Mais par une lettre laconique, la nouvelle patronne annule ce marché de 506.179.067 FCFA.  L’on aurait pu penser que le motif de l’annulation porte sur le coût qu’on trouverait trop élevé. Que non. En septembre 2022, elle signe un nouveau contrat d’assurance, cette fois-ci avec la SIDAM – plus cher que celui précédemment annulé – d’un montant de 510 millions FCFA. Le marché est négocié par un certain Chérif Ibrahim, courtier en assurance. J’ai pu formellement établir la relation qui lie la directrice générale de l’ARTCI, Mme Namahoua Touré-Bamba à Chérif Ibrahim, ce qui pose un problème de conflit d’intérêt. Alerté par des membres du personnel sur le non-respect des procédures dans l’attribution de ce marché, le Conseil de Régulation de l’ARTCI – aux pouvoirs plus étendus que ceux d’un Conseil d’Administration – a finalement annulé ce marché octroyé à un proche de la dirigeante de l’entreprise. Un haut cadre de l’Autorité de Régulation des Télécommunications, qui a travaillé sur ce dossier, affirme que la directrice « devait percevoir plusieurs dizaines de millions F.CFA de commissions sur ce contrat d’assurance ». Mme Touré n’a pas donné suite à mes questions sur ce point précis.

    Le projet « SMART CITY » ou quand le ministre du Budget se fait avoir

    « SMART CITY » est un projet immobilier lancé par l’ancienne direction, en vue de doter le personnel d’habitations décentes. La nouvelle directrice décide l’année dernière de recruter un cabinet pour faire l’état des lieux de ce projet, puis suivre son exécution. Le marché de 516.545.000 FCFA est attribué le 02 septembre 2022 à l’entreprise BERGEC. Dans la foulée, l’entreprise reçoit même deux paiements – 61.065.000 F.CFA et 38.202.500 F.CFA – comme l’attestent deux chèques correspondant à ces montants, tirés sur le compte Banque Atlantique de l’ARTCI au profit de l’entreprise BERGEC. Pour l’attribution de ce marché, la directrice générale, avec la complicité du Directeur des Affaires Financières, Logbo Yves, a organisé un faux Appel d’Offre Restreint, et c’est la Directrice du Contrôle de Gestion et de la Conformité (DCGC), qui a découvert la supercherie.

    La Note d’Audit Interne met à nu les irrégularités dans la gestion de la directrice générale de l’ARTCI.

    La « Note d’Audit Interne » de la DCGC, dont j’ai pu obtenir une copie, est un cinglant réquisitoire qui met à nu toutes les anomalies et l’opacité qui ont entouré l’attribution de ce marché : « absence de termes de référence ; absence d’Appel d’Offre ouvert (…) ; absence de commission d’ouverture et de jugement des offres (…) ; etc. ». La Direction du Contrôle de Gestion et de la Conformité note enfin que les offres des entreprises supposément consultées présentent les mêmes collaborateurs, ce qui, précise la DCGC, frappe ce simulacre d’appel d’offre restreint « de nullité en vertu de l’article 71.4 du code des marchés publics ». J’ai moi-même consulté les dossiers des trois entreprises prétendument consultées – les cabinets BERGEC, CABIS et SONEZE – et la similitude des documents est d’une telle grossièreté que cela ne souffre d’aucun doute que c’est le même individu qui a « monté » les trois dossiers. Outre la liste des collaborateurs, on n’a même pas pris la peine de modifier le tableau.

    Cette « Note d’Audit Interne » produit l’effet d’une bombe et crée la panique. La directrice décide alors de faire comme si elle voulait se conformer à la législation. Elle écrit au ministre du Budget, en novembre 2022, pour solliciter une dérogation qui lui permettrait de passer un marché de gré à gré d’un montant de 99.267.500 F.CFA. Le ministre du Budget qui ne se doute de rien, et en se basant sur les prérogatives que lui confère la loi, répondra positivement à cette requête. Il venait ainsi, à ce moment-là, de se faire doublement de se faire avoir par Mme Namahoua Touré-Bamba. D’abord, sur la procédure, puisqu’au moment où elle sollicite cette autorisation, elle a déjà – comme je l’ai indiqué plus haut – passé le marché en question. Ensuite, la directrice de l’ARTCI a abusé du ministre Moussa Sanogo sur le montant, puisqu’au lieu de 99.267.500 F.CFA, le marché pour « la réalisation de l’état des lieux des travaux, suivi et contrôle des travaux de l’opération immobilière SMART CITY », qu’elle a, en toute illégalité, attribué à BERGEC deux mois avant et sur lequel elle a même payé des avances, se chiffre plutôt à 516.545.000 F.CFA.

    Voilà donc comment, alors que l’alerte de l’audit interne devrait pousser la directrice générale à annuler le marché et à reprendre le processus en respectant cette fois-ci les procédures, Touré Namahoua Bamba opte au contraire pour la roublardise et la tromperie.

    Le marché QoS : Audit de la qualité des Services.

    Sur le marché QoS (Quality of Services) ou Audit sur la qualité des Services (Appels, SMS, Internet) que les opérateurs fournissent aux usagers, les magouilles de la directrice de l’ARTCI vont cette fois-ci cibler la Direction Générale des Marchés Publics. En effet, si elle a bien reçu une autorisation du ministère du Budget pour un Appel d’Offre Restreint, comme l’indique l’autorisation que lui a accordée le ministre Moussa Sanogo, le reste de la procédure sera une succession de fraudes et d’entorses aux règles régissant les marchés publics en Côte d’Ivoire.

    Dans la totale opacité, le 09 septembre, la directrice générale a adressé une lettre de commande, qui « tient lieu de bon de commande » à l’entreprise RAKALL ITS pour le marché de 1.480.000.000 F.CFA, alors même que les soumissionnaires avaient jusqu’au 27 septembre 2022 pour présenter leurs offres. Le jour même de la notification de l’attribution du marché, le vendredi 09 septembre 2022, RAKALL ITS dépose sa facture et, à peine deux jours ouvrés plus tard, l’ARTCI lui verse un acompte de 440.000.000 F.CFA, comme l’atteste l’ordre de virement en ma possession.

    Le jour même de l’attribution du marché, l’entreprise RAKALL IT depose sa facture.

    Et la fraude se poursuit, puisqu’alors qu’elle a déjà attribué son marché et même versé une avance, elle décide de « blanchir » ce marché illégal en le recouvrant du sceau de la légalité. Elle saisit donc la Direction Générale des Marchés Publics à qui elle présente de faux documents laissant penser que le marché n’avait pas encore été attribué. Elle obtient tous les avis de non-objection de la DGMP, dont le dernier est daté du 30 décembre 2022, soit quatre mois après qu’elle a attribué le marché en question. Un expert du domaine est catégorique. A l’en croire, ni la Direction Générale des Marché Publics, ni le ministère du Budget – tout comme dans le projet SMART CITY – n’avaient la possibilité de savoir que la procédure avait été entachée de fraudes.

    Deux jours après avoir remporté le marché – alors que la date de soumission n’avait pas échu – l”ARTCI a versé à l’entreprise RAKALL ITS un acompte de 440.000.000 F.CFA.

    Une source interne à l’ARTCI, qui connaît bien le dossier, m’a certifié que ce marché a été surfacturé d’au moins 1 milliard F.CFA. J’ai moi-même interrogé deux entreprises capables de fournir ces services et elles sont catégoriques sur le fait que le marché aurait pu être exécuté avec tout au plus 600 millions F.CFA. « 1.480.000.000 F.CFA, pour ce marché ? Quelqu’un a voulu trop bouffer » m’a confié le patron d’une de ces compagnies. Je suis en possession de documents qui prouvent que le même marché avait été attribué en décembre 2021 à l’entreprise EDAHTECH, autrement dit avant l’arrivée de la nouvelle DG, pour un montant de 500.000.000 F.CFA, soit 1/3 de ce qui a été accordé à RAKALL-ITS par Mme Namahoua Touré-Bamba.

    Interrogés sur les fraudes et allégations de détournements de deniers publics qui entourent ce marché QoS, la Directrice Générale, tout comme le DAF que nous avons pu contacter par WhatsApp n’ont jamais répondu à nos questions.

    Avec de faux documents la DG de l’ARTCI a pu obtenir tous les avis de non-objection de la DGMP.

    La DG désormais en sursis

    Dans une note à son collègue du ministère de la Communication et de l’Economie numérique, le ministre de la Promotion de la bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption indique clairement que les pratiques dont s’est rendue coupable la directrice générale de l’ARTCI « laissent transpirer une collusion frauduleuse » entre Mme Namahoua Bamba Touré et les entreprises à qui elle a attribué des marchés au mépris des règles et procédures. Le ministre Zoro Epiphane Ballo dit attendre de son collègue, le ministre Amadou Coulibaly trois mesures à l’encontre de la DG de l’ARTCI : annulation des marchés ; sanctions administratives et poursuites judiciaires.

    Selon mes sources très haut placées, le ministre en charge de la moralisation de la vie publique va plus loin. Dans une note confidentielle au président de la République, il a clairement et très respectueusement proposé au Chef de l’Etat le limogeage de la directrice générale de l’ARTCI. 

    Toujours d’après la même source au cœur du pouvoir, le président Ouattara a été ahuri en découvrant les pratiques mafieuses auxquelles s’est livrée Namahoua Bamba epse Touré.

    Tous les observateurs avertis s’accordent pour dire que les jours de la DG de l’ARTCI à la tête de cette structure sont désormais comptés.

    Rappelons que, comme l’indiquent les spécialistes, les forfaits commis par la patronne de l’ARTCI n’auraient pas été possibles sans la complicité, voire l’implication du Directeur des Affaires Financières (DAF). Logbo Yves, était déjà DAF lorsque l’ancien directeur général avait été limogé pour des détournements de fonds portant sur quelques 12 milliards de F.CFA. Pour avoir eu accès à quelques dossiers judiciaires, je puis d’ailleurs affirmer qu’il a plusieurs fois été entendu par le parquet du Pôle Pénal Economique et Financier, dans une affaire de blanchiment de plusieurs centaines de millions de F.CFA. Mais curieusement, il est toujours en poste, et plus que jamais tout-puissant DAF de l’ARTCI. 

    Ce qui est vrai, est vrai !

    Saïd Penda.

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