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    Transformation locale du coton : Abidjan frustre des investisseurs étrangers

    C’est quelque peu frustrés que des investisseurs étrangers conduits par le très influent Institut Tony Blair ont quitté la Côte d’Ivoire. La raison, selon certaines de ces puissantes entreprises, le peu de considération et d’enthousiasme des dirigeants ivoiriens.

    Ce lundi 14 novembre 2022, c’est une véritable opération de charme que la Côte d’Ivoire lance en direction d’une forte délégation d’importants investisseurs. Ils sont une trentaine à avoir effectué le voyage d’Abidjan. De grandes marques d’habillement comme H&M, Kiabi ou encore The Children Place, mais également d’important groupes industriels qui travaillent pour de nombreuses marques parmi les plus connues de la planète.

    Pour l’occasion, Abidjan a battu le rappel du gotha de cadres et d’experts de la cotonculture, mais également de l’industrie, du commerce, du transport, de la douane, etc. Mais à l’heure prévue pour l’ouverture du grand oral du pays devant des investisseurs qui représentent des opportunités de création de plusieurs centaines de milliers d’emplois directs, le ministre de l’Industrie est en retard, et l’assistance doit l’attendre, avant d’ouvrir en désespoir de cause la cérémonie sans lui. Il arrivera plus tard.  

    Un couac qui a laissé des traces  

    Souleymane Diarrassouba, le ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME que j’ai contacté reconnaît être arrivé après son homologue, le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, mais réfute le terme « retard ». Pourtant, plusieurs membres de la délégation étrangère et des Ivoiriens qui ont pris part à cette séance de travail, au Noom Hôtel d’Abidjan, sont unanimes sur le fait que le ministre Diarrassouba « a eu environ une demi-heure de retard ». Pire, indiquent ces sources, le démarrage a même été retardé parce qu’on attendait l’arrivée du ministre de l’Industrie.  

    Même s’ils ne l’ont pas manifesté officiellement, certains investisseurs qui m’ont parlé ont vu dans le retard du ministre, la manifestation d’un manque d’intérêt pour leur mission. Une attitude d’autant plus surprenante, ont indiqué ceux de ces investisseurs qui m’ont parlé, que c’est la Côte d’Ivoire qui invitait.

    Le raté de l’audience avec le premier ministre

    Après le couac du retard du ministre du Commerce et de l’Industrie, la délégation a vécu avec frustration l’annulation de l’audience qui leur avait été annoncée avec le Premier ministre. Le ministre de l’Industrie, qui les reçu à la place de Patrick Achi empêché, s’est montré plutôt charmeur, comme l’ont reconnu ceux des investisseurs qui m’ont parlé, notamment en engageant la conversation en anglais. Mais ses interlocuteurs, semblent être restés sur leur déception. « Depuis nos lieux de résidence, nous nous sommes préparés psychologiquement à rencontrer le Premier ministre de Côte d’Ivoire, pas un de ses ministres, de surcroît celui qui nous avait laissé une mauvaise impression dans la matinée en arrivant en retard », ont-ils indiqué. Résultats des courses, alors que certains dans le groupe auraient bien voulu impressionner la haute personnalité en annonçant d’importants investissements dans le pays, on n’a  finalement enregistré qu’une seule annonce, comme me l’a confirmé le ministre du Commerce et de l’Industrie : de 310 millions d’euros.

    Les services de la primature sont catégoriques qu’il ne s’agissait nullement d’un manque d’intérêt de Patrick Achi. D’après la primature qui a répondu avec une admirable diligence à toutes mes questions, le chef du gouvernement a reçu deux de ces investisseurs qui sont restés quelques jours après le départ des autres membres de la mission. « Pankaj Bedi », patron de United Aryan EPZ, « a été reçu le 16 novembre par le Premier ministre », devant qui il a précisé l’annonce faite devant le ministre Diarrassouba de l’Industrie, d’après une note que m’a fait parvenir le service communication de la primature : « 310 millions d’euros d’investissement sur 5 ans ; 31.750 emplois directs et près de 50.000 indirects ».

    Lomé : l’audience qui fait la différence

    Au Togo où se sont rendus les mêmes investisseurs, la visite a plutôt mal commencé. L’accueil à l’aéroport a été des plus éprouvant et très frustrant pour les membres de la délégation. Etat policier, les contrôles à la descente d’avion ont laissé un très mauvais goût selon des membres de la délégation qui se sont confiés à moi.

    Mais alors qu’elle allait quitter Lomé sur un très mauvais sentiment, la délégation a été reçue en audience par la Première ministre, Mme Victoire Tomegah Dogbé, entourée de trois ministres, d’après mes sources. Cette simple audience a totalement transformé les investisseurs, dont certains m’ont affirmé avoir « senti plus d’engagements des autorités au Togo qu’en Côte d’Ivoire ».

    La destination Côte d’Ivoire toujours vendable

    Dans un document produit par le Tony Blair Institute for Global Change, qui organisait cette mission, et dont j’ai pu obtenir une copie, il s’agissait de « promouvoir la destination Côte d’Ivoire en tant que hub de développement pour la filière textile et habillement, afin d’attirer des investisseurs directs étrangers » et créer l’émulation dans l’écosystème national. Ces grandes usines, lorsqu’elles s’installent, ont un effet d’entraînement dans le secteur, notamment à travaux des réseaux de sous-traitants qui se créent et des fournisseurs locaux.

    Selon un économiste par ailleurs haut cadre dans l’administration ivoirienne, « la Côte d’Ivoire sait mobiliser tous les fonds nécessaires au financement des infrastructures, mais nous peinons à attirer des investisseurs qui viennent installer des usines de transformation ici. Notre bilan dans l’industrialisation est largement en-deçà de notre potentiel tant en termes de disponibilité des matières premières, de la main d’œuvre qualifiée, que de l’environnement politique apaisé et du climat des affaires».

    Abidjan a pourtant un grand coup à jouer en terme d’attractivité pour les investisseurs du textile, alors que les pays Occidentaux, où se trouve les 90% de la clientèle de l’industrie de l’habillement sont de plus en plus regardants sur l’emprunte carbone. En confectionnant des habits tout prêt des zone de production du coton, une possibilité qu’offre la Côte d’Ivoire, les industriels proposent à la clientèle occidentale un produit à impact carbone très réduit, comparé à des produits confectionné dans des usines souvent très éloignés des pays producteurs de coton, avec un impact carbone considérable, du fait du transport de la matière première par des navires extrêmement polluants.

    Selon un expert, la Côte d’Ivoire n’est cependant pas l’unique pays sur la Côte ouest-africaine à présenter des caractéristiques jugées intéressantes par les investisseurs du textile, comme la proximité avec les grands marchés que sont l’Europe et l’Amérique du nord (Etats-Unis et Canada). « Il va donc falloir pour la Côte d’Ivoire se montrer plus réactif, dans un secteur du textile à très forte valeur ajoutée ».

    Ce qui est vrai, est vrai ! 

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